Friday, December 2, 2011

Les Personnages, 2004


Un jour ils sont là. Là, en nous, derrière l’os du front, ainsi qu’une peinture rupestre au fond d’une grotte nimbée d’obscurité. Une peinture en grisaille, mais bientôt obsédante. Là, à la frontière entre le rêve et la veille, au seuil de la conscience. Et ils brouillent cette mince frontière, la traversent continuellement avec l’agilité d’un contrebandier, la déplaçant, la distordant.  Là, plantés sur ce seuil mouvant avec la violence immobile et mutique d’un mendiant qui a jeté sur vous son dévolu et qui ne partira pas avant d’avoir obtenu ce qu’il veut.
Mais que veut un mendiant qui ne dit rien, ne tend pas la main, ne vous regarde même pas dans les yeux ?

D’ailleurs, ils ne se présentent pas toujours de face, il leur arrive de ne se montrer que de profil, de trois quarts, ou carrément de dos. Certains se tiennent debout, d’autres assis, ou encore allongés. Et tout le temps que dure leur visite (des mois, parfois des années), ils ne changent pas de position. Ils demeurent tels qu’à l’instant de leur première apparition. Sauf exception
Ils ne se présentent jamais en groupe, pas même à deux. Chaque personnage est unique et surgit solitairement. Ce peut être un homme, une femme, de n'importe quel âge, de l'enfance à la grande vieillesse, et d'apparence quelconque. C'est l'opiniâtreté de sa présence qui le rend remarquable, non son aspect.
   Du début à la fin de sa visite sous forme d'image crypto.-frontale, il reste seul. Des mois, des années, farouchement seul. Il ne se lève, ne s'anime et ne se laisse rejoindre par d'autres personnages qu'à partir du moment où son « hôte » décide enfin de se mettre en mouvement d'écriture pour tenter de convertir son image obsédante en récit.

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